Bourlinguer de Blaise Cendrars

« Rij était une pouffiasse, une femme-tonneau qui devait peser dans les 110, les 120 kilos. Je n’ai jamais vu un tel monument de chairs croulantes, débordantes. Elle passait sa journée et sa nuitée dans un fauteuil capitonné, fabriqué spécialement pour elle et qu’elle ne cessait d’ornementer, d’enrubanner, lui tressant des faveurs, des nœuds, des lacets d’or et d’argent… »

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11/20

Ce livre était tellement… chiant. Il n’y a pas d’autre mot pour dire à quel point j’ai souffert et à quel point j’ai peiné à avancer dans cette lecture. Si je n’avais pas été forcée de le lire pour les cours, je l’aurais abandonné au bout de 20 pages, ce que je n’hésite généralement pas à faire quand je n’aime pas un livre. Mais bon… les 200 premières pages passées, le récit commence à être intéressant, puis chavire de nouveau dans l’ennui. Seules les 50 dernières pages, et quelques rares passages, m’ont parues réellement dignes d’intérêt. Dans ces pages, l’auteur écrit à propos de l’écriture, du pourquoi de son écriture, mais aussi et surtout de la lecture, des formes qu’elle prend et des fonctions qu’elle rempli chez chacun-e. Quant au style littéraire, on va rester sur un gros bof, puisque si je comprends que la syntaxe prenne une forme qui semble arbitraire pour se faire l’image du voyage et de la bourlingue, je n’apprécie pas cette forme d’écriture pour autant et je n’ai pas retrouvé dans ces pages le travail et surtout l’amour des mots qu’on peut retrouver, par exemple, chez Zola. 

J’avouerai néanmoins que je suis entrée déjà réticente dans cette lecture, et ce, à cause de la quatrième de couverture. Comment vous dire que jamais, ô grand jamais, je n’aurais pris ce livre de moi-même, avec un tel extrait ? « Rij était une pouffiasse, une femme-tonneau qui devait peser dans les 110, 120 kilos. » En une phrase, sexisme et grossophobie se conjuguent et, malheureusement, ce ne sera pas le seul passage du livre où l’auteur nous donne son *merveilleux* avis sur les femmes. En guise d’illustration, je vous cite ce passage qui, si vous êtes normalement constitué-e, vous fera fuir ce livre (et c’est tant mieux!) : 

« Et les femmes, qu’est-ce qu’elles font sur terre ? Peut-on réellement les considérer comme du genre humain ? On en douterait parfois. Et si oui, alors c’est une sacrée variété de vermine…, une femme dans chaque port. »

Que dire de plus ? Un autre élément m’a aussi énervée, qui était surtout présent dans le premier quart du livre, c’est cette manie de tuer les animaux sans arrêt. Je ne vous résume pas le passage où l’auteur-narrateur écrase des escargots entre ses doigts, parce que je préfèrerai effacer cette image peu ragoûtante de mon esprit. 

En bref, à l’heure où j’écris cet article, je viens de terminer ce pavé de 500 pages et il y a de grandes chances pour que je m’écarte à tout jamais de l’œuvre de Blaise Cendrars (sauf si vous pouvez me conseiller un livre de lui qui ait une valeur littéraire réelle et qui ne m’énerve pas toutes les trois pages). Mais comme je veux quand même terminer sur une note positive, je vous conseille néanmoins de lire les 30 dernières pages, ou, si vous avez du courage, le dernier chapitre dans son entité. Heureusement, dans toute cette masse de récits intriqués et peu intéressants à mon goût, j’ai pu trouver plusieurs passages qui m’ont plue ; c’est pourquoi je terminerai en disant que ce livre n’est pas « nul » en soi, il fait tout simplement 300 pages de trop.  

« Un des grands charmes de voyager ce n’est pas tant de se déplacer dans l’espace que de se dépayser dans le temps […] Je crois qu’il en va de même pour la lecture, sauf qu’elle est à la disposition de tous, sans dangers physiques immédiats, à la portée d’un valétudinaire et qu’à sa trajectoire encore plus étendue dans le passé et dans l’avenir que le voyage s’ajoute le don incroyable qu’elle a de vous faire pénétrer sans effort dans la peau d’un personnage. Mais c’est cette vertu justement qui fausse si facilement la démarche d’un esprit, induit le lecteur invétéré en erreur, le trompe sur lui-même, lui fait perdre pied et lui donne, quand il revient à soi parmi ses semblables, cet air égaré, à quoi se reconnaissent les esclaves d’une passion et les prisonniers évadés : ils n’arrivent plus à s’adapter et la vie libre leur paraît une chose étrangère. »

bises, emi

3 commentaires sur “Bourlinguer de Blaise Cendrars

  1. Dommage que vous n’ayez pas aimé ce livre que j’aime beaucoup comme toute l’oeuvre de Cendrars. C’est un grand écrivain (il vient d’entrer dans La Pléiade) mais aussi un grand poète (La Prose du Transsibérien, Les Pâques à New York, Le Panama, mais pas que).
    Sa vie est à elle seule un roman. Avec Ricotto Canudo il avait lancé un appel pour que les étrangers vivant en France s’engagent dans l’armée française en 1914. Il était donc dans la Légion quand il a perdu son bras droit en 1915. Il a connu tous les grands écrivains (dont Apollinaire qui s’est inspiré du poème des Pâques à NY pour son poème Zone) c’est lui qui a aidé Chagall quand il est arrivé en France (Cendrars parlait russe), Modigliani a fait 6 portraits de lui, Léger et BC étaient très proches (Léger a illustré plusieurs de ses livres), et Henry Miller avait une grande admiration pour Cendrars (écoutez le parler de Cendrars), et Dos Passos l’appelait « L’Homère du Transsibérien ». D’ailleurs la Prose du Transsibérien a été illustrée par Sonia Delaunay et est dans tous les grands musées du monde. Il a travaillé avec Darius Milhaud, Stravinsky, Honneger, Satie.
    Lorsqu’il est décédé en 1961, les hommages ont été nombreux (Soffici, Fombeure, Cocteau, Dos Pasos, Milhaud, Soupault, etc…).
    Ses oeuvres ont été traduites dans plus de 40 pays, et 37 langues dont le bengali, le tamoul, le chinois, etc…
    Vous pouvez aussi lire J’ai tué, La guerre au Luxembourg, l’Eubage, L’Or, Rhum, Moravagine, La Main coupée, l’Homme foudroyé, le Lotissement du ciel, et j’en passe, sans oublier les poèmes.
    N’abandonnez pas Cendrars, c’est une personnalité à découvrir sans faute, et un grand écrivain.

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    1. J’essaierai sûrement de lire sa poésie mais sa prose ne m’intéresse pas vraiment, je lui trouve peu d’intérêt littéraire et ce n’est pas le genre d’écriture que j’aime lire, mais tant mieux s’il plait à d’autres !

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